Le 17 avril 2023
Par Marie-Ève Caron, Coordonnatrice des communications pour APTN
L’utilisation de l’écriture inclusive pour la rédaction de ce texte a été privilégiée dans un objectif d’évolution et d’appropriation de la langue française.
Toutes les citations sont des traductions libres.
Little Bird, la première coproduction de Crave et APTN, était en production d’avril à juin 2022. Cette série dramatique en six parties suit une femme autochtone dans son parcours pour retrouver sa famille biologique et découvrir la vérité sur son passé.
La majorité de l’équipe de production est dirigée par des cinéastes et des acteur·trice·s autochtones de partout au Manitoba. Plus de la moitié de l’équipe est composée de femmes, ce qui rend cette production encore plus remarquable. Mais ce qui la distingue vraiment, c’est le programme de formation unique qui a été créé spécifiquement pour cette production.
En effet, le programme de formation comprend des opportunités pour les créateur·trice·s autochtones émergent·e·s et à mi-carrière, ainsi que pour l’équipe et les talents débutants, afin d’acquérir une expérience pratique sur le plateau, ce qui mène à d’autres emplois dans l’industrie cinématographique. Dirigé par la productrice de Little Bird Tanya Brunel, le programme a accueilli 10 participant·e·s dans une variété de départements et avec une variété d’expériences dans le cinéma. Selon Brunel, une femme métisse de la région de la rivière Rouge, ce genre de programme est particulièrement important pour elle et les autres peuples autochtones.
« Pour moi, le renforcement des capacités au sein du secteur du cinéma autochtone est vraiment important », dit-elle. « Nous vivons une époque où je pense que le Manitoba travaille très fort pour augmenter ces capacités, donc tout s’est très bien aligné ».
Ce n’est pas la première fois que Brunel est à l’origine d’un programme de formation pour les peuples autochtones dans le milieu du cinéma. Alors qu’elle était sur le plateau de productions précédentes, elle s’est toujours fait un devoir de créer un programme de formation similaire. La formalité et l’ampleur du programme peuvent différer d’une production à l’autre, mais dans la mesure du possible, Brunel essaie de créer un espace pour les peuples autochtones dans l’industrie cinématographique.
Cette initiative a commencé lorsque l’équipe de production a contacté la Guilde canadienne des réalisateurs et le Bureau de l’écran autochtone pour créer un programme de formation pour les réalisateur·trice·s. C’est un programme pilote que l’équipe avait exécuté une fois auparavant sur une autre production avec un certain succès. Les réalisateur·trice·s qui faisaient partie du programme avaient toustes une expérience antérieure dans les longs métrages et le contenu court, mais Brunel a vu Little Bird comme l’occasion idéale pour leur permettre d’acquérir de l’expérience au sein d’une série dramatique et pour créer un programme de formation plus long.
Certain·e·s participant·e·s ont postulé directement au programme de formation. D’autres, selon Brunel, ont été sélectionné·e·s pour s’assurer que les candidat·e·s s’entendraient bien avec le reste de l’équipe.
« Avec les postes dans notre programme de formation, nous voulions créer des opportunités spécifiquement pour les réalisatrices autochtones, tout en reconnaissant que la candidate serait quelqu’une qui travaillerait en étroite collaboration avec les deux réalisatrices que nous avions », dit-elle. « Nous savions que la relation devait bien fonctionner. Nous ne voulions pas amener quelqu’une là où ce ne serait pas une bonne relation, d’autant plus que de nombreux échanges créatifs se produisent dans le cadre de ce mentorat ».
Jenna « JJ » Neepin, 37 ans, de la Nation crie de Fox Lake, a été choisie comme réalisatrice participante. Elle a étudié à l’Université de Winnipeg dans le but initial de devenir actrice, un rêve qui a été rapidement dégonflé par un professeur qui lui a dit qu’elle ne pourrait jouer que des rôles secondaires. C’est-ce qui l’a incitée à passer au programme de cinéma, où elle a découvert le Film Training Manitoba et a postulé pour leur programme d’apprentissage après avoir obtenu son diplôme. À partir de là, elle a décroché son premier « gros contrat » dans le département des lieux de la saison 2 de Cashing In. Mais c’est le cours de formation à la caméra dispensé par la section locale 669 de l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma (AIEST) qui lui a donné les compétences dont elle avait besoin pour aller de l’avant.
JJ Neepin
Elle a continué à travailler dans l’industrie en attendant la chance de prendre un poste de réalisatrice. Peu après qu’une offre de réalisation ait échoué au début de 2022, elle a décidé de rejoindre le programme de formation de Little Bird. Avec plus de 13 ans d’expérience dans l’industrie, Neepin s’est sentie réconfortée en travaillant sur Little Bird, principalement en raison du nombre de femmes autochtones qui composent la distribution et l’équipe de production, ce qui est une expérience assez nouvelle pour elle.
« Avant, je me sentais très seule sur les plateaux de tournage, et je cherchais toujours un autre visage brun, peu importe le type de brun qu’il était — je cherchais une autre personne PANDC », dit-elle. « Dans cette émission, c’était tellement agréable d’en voir d’autres [autochtones], en particulier des femmes [autochtones]. Je me sentais plus forte rien qu’en les voyant et en sachant qu’iels seraient là pour me soutenir ».
Bien que ce programme ait été extrêmement bénéfique et exaltant pour les stagiaires impliqué·e·s, Neepin dit qu’il y a encore du travail à faire, non seulement pour attirer des personnes autochtones vers l’industrie, mais aussi pour s’assurer qu’elles y restent. Un certain niveau de privilège est requis pour travailler dans l’industrie du cinéma, ou même s’y lancer. Vous avez besoin de quelque chose d’aussi simple qu’un permis de conduire, un véhicule pour vous rendre au travail, la capacité de travailler de longues heures et que quelqu’un·e s’occupe de tout à la maison. Les systèmes de soutien sont essentiels pour entrer et rester à flot dans l’industrie. Plus que tout, vous aurez besoin d’une famille et des ami·e·s qui vous offrent du soutien et de la compréhension pour vous aider à surmonter les défis.
« Maintenant, ajoutez tous ces éléments aux défis communs auxquels les personnes autochtones sont confrontées », dit Neepin. « J’ai l’impression que c’est une couche supplémentaire, peut-être pas nécessairement plus difficile, mais c’est une couche supplémentaire qu’il faut gérer. C’est une chose d’embaucher des jeunes et de créer des programmes de formation, mais il faut qu’il y ait un système de soutien en place, sinon les personnes autochtones ne resteront pas ».
Par chance, Neepin s’est vu offrir son tout premier contrat de réalisation plus tôt ce printemps et se prépare à commencer la pré-production d’une nouvelle série télévisée une fois Little Bird terminé.
Mario Ballantyne, un homme cri de 37 ans de Grand Rapids, au Manitoba, a travaillé sur le tournage de Little Bird en tant qu’assistant de production, ce qui a lancé sa carrière dans l’industrie cinématographique. Tout a commencé lorsqu’un de ses amis producteurs lui a recommandé de contacter des gens de l’industrie pour essayer de mettre un pied dans la porte. Après quelques recherches, il a entendu parler du programme de formation sur le tournage de Little Bird et a commencé par envoyer un e-mail à l’équipe de production. C’est cette persévérance et cet enthousiasme qui ont convaincu l’équipe de production d’embaucher Mario. Avant même qu’il ne s’en rende compte, il avait obtenu son premier contrat!
Mario Ballantyne
Après avoir obtenu son baccalauréat ès arts en études cinématographiques de l’Université du Manitoba, Ballantyne voulait devenir acteur, mais son intérêt est rapidement passé d’être devant la caméra à travailler en arrière-scène. Quand il a commencé sur le plateau de Little Bird, il ne s’était pas rendu compte qu’iels avaient mis en place un programme de formation unique. Une fois qu’il en a appris davantage sur le programme, il a reconnu l’impact positif que ce type de formation peut avoir sur les peuples autochtones dans l’industrie cinématographique. Ballantyne est fier de pouvoir travailler sur un plateau qui est axé sur les peuples autochtones et qui raconte une histoire autochtone.
« C’est formidable de voir que maintenant, en tant que peuples autochtones, nous avons enfin une plateforme », dit-il. « Nous avons toujours eu une plateforme, mais maintenant elle a été surélevée et nous pouvons enfin raconter nos histoires. Nous pouvons dire que nous sommes aussi des conteur·euse·s, que nous pouvons raconter des histoires dignes d’Oscars et de prix Emmy. Donc, je pense que ce n’est que le début ».
Aiyana Hart, 21 ans, une femme crie-nakoda de la Nation crie de Nelson House, est stagiaire au département de maquillage de Little Bird. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle a entendu parler de l’appel de casting pour le rôle de la princesse Tiger Lily dans le film Peter Pan & Wendy. « J’ai vu l’appel de casting et je me suis dit : ‘‘Oh mon dieu, l’équipe de production veut une personne autochtone dans ce rôle’’, et c’était avant que les peuples autochtones soient considérés comme ‘‘à la mode’’, et maintenant nos voix se font entendre. J’étais tellement étonnée que l’équipe veuille qu’une personne autochtone joue un rôle autochtone ».
Aiyana Hart
Cependant, comme le reste du monde, la production de la série s’est brusquement arrêtée lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, ce qui a modifié les plans post-universitaires de Hart. Son mentore produisait et réalisait un film et a encouragé Hart à suivre une formation de maquillage chez Film Training Manitoba, puis à la rejoindre sur le plateau en tant que maquilleuse stagiaire. Elle a maintenant cinq productions à son actif et souhaite fréquenter la Vancouver Film School pour suivre des cours en conception de maquillage.
Créative depuis le début, Hart s’est mise au maquillage dès son jeune âge. Ce n’est que récemment qu’elle a appris qu’on pouvait en faire une carrière. Maintenant, elle veut aller de l’avant, en savoir plus et voir où cela la mènera.
Son conseil aux cinéastes autochtones? « S’il y a des opportunités, ne dites pas non. Si j’avais dit non à l’opportunité de travailler en tant que maquilleuse, je ne serais pas là où je suis – je serais probablement de retour dans le commerce chez Cabela’s. Il n’y a rien de mal à cela, mais je ne serais pas en train de faire ce dont j’ai envie ».
La production de Little Bird s’est terminée en juin 2022. La série a été tournée à Winnipeg et dans les environs, sur le territoire du Traité no 1 et sur le territoire traditionnel des peuples anishinaabe, cri, oji-cri, dakota, déné et métis. La première de la série aura lieu le 26 mai 2023 sur APTN lumi et Crave.