Le 29 août 2024
Par Marie-Ève Caron, Coordonnatrice des communications pour APTN
En tant que réseau essentiel et influent qui joue un rôle crucial de représentation des cultures, des perspectives et des récits diversifiés des peuples autochtones, APTN souhaite mettre en place un espace inclusif de discussion relatif autour de Comment être un·e allié·e efficace pour les communautés autochtones. Cet article explore les principes et les actions clés visant à aider tout le monde à devenir de véritables allié·e·s pour les communautés autochtones afin d’avancer ensemble dans les processus de guérison et de réconciliation.
Dans une ère marquée par une prise de conscience croissante des questions de justice sociale, il est important d’être des allié·e·s efficaces et solidaires pour les communautés marginalisées, en particulier pour les peuples autochtones qui ont historiquement fait face à des injustices systémiques. En effet, les peuples autochtones au Canada continuent de vivre avec l’impact profond et durable du traumatisme intergénérationnel issu de la colonisation, de l’assimilation et des injustices historiques telles que le système des pensionnats, les déplacements forcés et la répression culturelle.
« Il est également important de garder à l’esprit que ces groupes n’ont pas besoin de sauveur·euse·s pour intervenir et tout réparer en leur nom. Ces communautés dirigent la lutte contre les injustices auxquelles elles font face, et en tant qu’allié·e·s, nous sommes là pour les appuyer. » (Amnistie internationale, 2022, traduction libre)
La première étape pour devenir un·e véritable allié·e est d’examiner de manière critique ses motivations. Ce processus implique une introspection approfondie pour s’assurer que sa volonté de soutien est ancrée dans un engagement authentique envers la justice et l’égalité plutôt que dans la recherche de reconnaissance ou de validation. Il est nécessaire de réfléchir sur ses intentions et de se questionner si celles-ci sont centrées sur le bien-être et l’autonomisation des communautés appuyées.
Être un·e allié·e efficace va au-delà de simples bonnes intentions; c’est un processus qui nécessite de la compréhension, de l’autoréflexion, de l’éducation, de l’écoute active, du respect et un engagement à démanteler les structures oppressives. Être un·e allié·e implique également de reconnaître que chaque personne possède des droits fondamentaux, notamment la dignité humaine, le respect et un accès équitable aux ressources. La véritable solidarité exige ainsi de l’engagement, de l’humilité et du dévouement visant à favoriser un changement positif pour le bien-être des communautés autochtones.
Voici donc quelques lignes directrices de pratiques exemplaires sur la manière d’être un·e allié·e efficace pour les communautés autochtones :
1. L’éducation et la sensibilisation
Une étape fondamentale vers une solidarité efficace est l’éducation. Il faut prendre le temps d’apprendre sur l’histoire, les cultures et les luttes des communautés autochtones tout en reconnaissant l’impact de la colonisation, de la dépossession, de l’assimilation culturelle et du traumatisme intergénérationnel sur ces communautés. Il est aussi important d’être prudent·e avec la terminologie utilisée puisqu’elle peut être lourde de sens; il est donc nécessaire d’effectuer des recherches au préalable. En nous appuyant sur diverses sources, y compris la littérature, les documentaires et les témoignages, nous développons une compréhension nuancée des défis auxquels les peuples autochtones sont confrontés. Nous sommes toustes responsables de notre éducation envers les questions intersectionnelles. Cette forme d’apprentissage proactive implique de mettre sa réalité et son identité en perspective et de prendre conscience de ses privilèges.
2. L’écoute active
Un aspect crucial du travail d’allié·e consiste à écouter les voix des peuples autochtones et à centrer leurs perspectives, expériences et récits et ainsi contribuer à soutenir leurs luttes. Il faut éviter de prendre la place de leurs voix et comprendre l’importance du concept de souveraineté narrative autochtone, qui met l’accent sur l’autonomie des peuples autochtones dans la création et le partage de leurs récits sans distorsion externe ni appropriation. Pour contribuer à amplifier leurs voix, on doit partager leurs histoires, leur art et leur militantisme pour sensibiliser et remettre en question les stéréotypes. Il faut aussi reconnaître que la conversation ne tourne pas autour de vous : écoutez plus, parlez moins.
3. La dénonciation des injustices
Être un·e allié·e efficace nécessite du courage et une volonté de s’opposer aux injustices. Il est impératif de remettre en question les pratiques discriminatoires, les stéréotypes et les politiques qui touchent de manière disproportionnée les communautés autochtones. Il faut corriger la désinformation et être conscient·e de ne pas reproduire les mécanismes d’oppression. L’utilisation de ses privilèges peut permettre d’amplifier les voix autochtones dans des espaces où elles ne sont peut-être pas bien entendues. La participation aux efforts de plaidoyer, l’engagement dans des conversations et le travail actif envers l’éducation de toustes permet de créer une société plus équitable.
4. Le respect de la souveraineté autochtone
Il est important de reconnaître et de soutenir le droit des communautés autochtones à l’autodétermination, à la terre et aux ressources, tout en reconnaissant leurs traditions et structures de gouvernance uniques. Le travail d’un·e bon·ne allié·e implique l’appui de politiques qui respectent les droits autochtones et qui remettent en question les injustices historiques. Les reconnaissances territoriales affirment la souveraineté autochtone en établissant les liens historiques et actuels des communautés avec leurs terres ancestrales, en mettant l’accent sur le respect des connaissances autochtones et en favorisant des partenariats significatifs basés sur le respect mutuel.
5. La sensibilité et la sécurité culturelles
La sensibilité culturelle est vitale lors des interactions avec les communautés autochtones. Il est important de respecter les protocoles culturels, les traditions et les cérémonies. Il faut proscrire l’appropriation culturelle des symboles, des vêtements ou des arts autochtones sans une compréhension approfondie et une permission appropriée. Les mêmes principes s’appliquent en ce qui concerne l’identité : il ne faut jamais prétendre une fausse identité autochtone. La sensibilité culturelle comprend aussi la reconnaissance de la diversité des peuples autochtones et de leurs cultures. Il est important de toujours demander la permission et de respecter les limites de chacun·e. En cas de doute, il est possible de poser des questions avec humilité et un réel désir d’apprendre. La sécurité culturelle vise à aller au-delà d’une simple prise de conscience pour célébrer les cultures et remettre en question les déséquilibres de pouvoir, permettant ainsi à toustes de se sentir libres d’être elleux-mêmes.
6. Le soutien des initiatives autochtones
Une grande partie du travail d’allié·e repose sur le soutien actif des entreprises, des artistes et des initiatives autochtones. L’autonomisation économique est un aspect clé de la promotion de l’autosuffisance au sein des communautés autochtones. Il est important d’encourager les programmes sociaux et les initiatives visant à améliorer l’éducation, les soins de santé et l’accès au logement au sein des communautés autochtones. Nous encourageons fortement la consommation culturelle de contenu produit par des individus autochtones sur des plateformes autochtones telles que APTN et APTN lumi.
Enfin, devenir un·e allié·e efficace pour les communautés autochtones est un processus continu fondé sur l’éducation, le respect et l’action. En écoutant activement, en apprenant et en soutenant les droits et les aspirations des communautés autochtones, nous pouvons contribuer au démantèlement des injustices systémiques et progresser vers un monde plus inclusif et équitable.
À propos d’APTN
APTN est entré en ondes en 1999 comme premier télédiffuseur autochtone national au monde. Depuis ses débuts, le réseau est devenu chef de file mondial en matière de programmation qui célèbre la riche diversité des peuples autochtones de l’Île de la Tortue et d’ailleurs. Télédiffuseur sans but lucratif et à vocation caritative respecté, APTN partage des histoires authentiques avec les foyers canadiens via deux chaînes HD distinctes: APTN (programmation en anglais et en français) et APTN Langues (programmation en langues autochtones). Grâce à un pourcentage de contenu canadien supérieur à 80 %, APTN présente des émissions inspirantes à son auditoire sur de multiples plateformes, notamment sur son service de diffusion en continu axé sur le contenu autochtone, APTN lumi.
Références :
- Amnesty International, Australia. (2022) 10 Ways to Be a Genuine Ally to First Nations Communities. Disponible en ligne. https://www.amnesty.org.au/10-ways-to-be-an-ally-to-first-nations-communities/
- Anti-Oppression Network. (2017) Allyship. Disponible en ligne https://theantioppressionnetwork.com/allyship/
- Land Needs Guardians. (2023) How to Be an Ally of Indigenous-led Conservation. Indigenous Leadership Initiative. Disponible en ligne https://landneedsguardians.ca/how-to-be-an-ally
- Lamont, A. (2023) Guide to Allyship. Disponible en ligne https://guidetoallyship.com/
- Montreal Indigenous Community NETWORK. (2019) Indigenous Ally Toolkit. Disponible en ligne https://reseaumtlnetwork.com/en/publication/ally-toolkit/
- Osborne, B., Chaze, F. & Willaims, E. (2019) Learning to Be Effective Allies to Indigenous Communities: Perspectives from the Sheridan College Community. Disponible en ligne https://source.sheridancollege.ca/cgi/viewcontent.cgiarticle=1011&context=fahcs_publications
- Smith, J., Puckett, C., Simon, W. (2015) Indigenous Allyship: An Overview. Wilfrid Laurier University. Disponible en ligne https://ihll.mcmaster.ca/app/uploads/2022/02/indigenous-allyship-an-overview.pdf